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vladimir poutine - Page 2

  • Désastre pour l’Europe, le rapprochement militaire entre Moscou et Pékin s’accélère...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Alexis Feertchak cueilli sur Geopragma et consacré au rapprochement de la Russie avec la Chine au détriment de l'Europe. Membre de Geopragma, Alexis Feertchak est journaliste au Figaro.

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    Désastre pour l’Europe, le rapprochement militaire entre Moscou et Pékin s’accélère

    Le président Emmanuel Macron a indéniablement raison de marteler la nécessité d’un dialogue ambitieux avec la Russie. Pour l’heure, il ne s’agit cependant que de mots et d’images fortes, qui ont certes le mérite d’énerver les « néoconservateurs » de « l’Etat profond » – pour reprendre une formule désormais présidentielle – mais qui n’apportent pas le moindre début de commencement de réponse concrète à la question naguère lancée par Mitterrand et Gorbatchev : comment construire une « maison commune » européenne qui contienne Moscou ? Autrement dit, comment faire rentrer politiquement la Russie en Europe alors même que l’Europe demeure dans un état de soumission envers les Etats-Unis qui, eux, continuent follement de définir la Russie comme leur ennemi éternel ? Peut-on imaginer voir cohabiter, sous le toit d’une même maison, deux adversaires aussi résolus ? Certes, on peut attendre de ce rapprochement une avancée sur le dossier ukrainien, mais celle-ci serait plus conjoncturelle que structurelle. Le format Normandie pourrait bien aboutir à une percée diplomatique (tous les acteurs y ont aujourd’hui intérêt), mais les raisons anciennes et profondes de la défiance qui ont conduit à la crise ukrainienne demeureraient intactes.

    Le temps presse pourtant car, entre Moscou et Pékin, les signes d’une relation de plus en plus rapprochée se font sentir. Il ne s’agit certes pas encore d’une alliance, mais, dans un contexte d’antagonisme croissant entre la Chine et les Etats-Unis, plus ce partenariat sino-russe sera solide, moins Moscou disposera de latitude pour faire, le jour venu, un pas vers l’Europe, quand bien même celle-ci le souhaiterait. Autrement dit, si une rebipolarisation du monde (quoiqu’incomplète) se dessine dans les prochaines années et que la Russie s’ancre dans le bloc mené par Pékin, le mur de l’Est, dont la logique aurait voulu qu’il tombât réellement en 1991 pour raccrocher la Russie au continent européen, se reformera pour de bon. Ironie de l’histoire : les Etats-Unis, à force de considérer à tort que le mur n’était pas réellement tombé, pourraient finir par avoir raison. C’est le propre des prophéties de malheur auto-réalisatrices, dont les Etats-Unis se sont fait une spécialité. Comme l’avait prédit John Keenan, pourtant père du concept de containment, l’avancée de l’OTAN dans les années 1990 allait nécessairement pousser les Russes à réagir… L’histoire ukrainienne a montré la justesse de ce raisonnement décrit dès 1998 dans Foreign Policy.   

    Si demain, le mur de l’Est était réellement reconstitué, son tracé serait peu ou prou le même que pendant la Guerre froide, mais le bloc qu’il délimiterait serait différent, puisque son centre ne serait plus à Moscou, mais à Pékin. Raison pour laquelle, à moyen terme, la Russie n’a aucun intérêt à voir se reconstituer de tels blocs. Les Européens sauront-ils le voir ? Mais, même s’ils le voient, sauront-ils quoi faire ?

    Le dernier signal faible de ce rapprochement sino-russe touche – et c’est l’une des premières fois – à un domaine par nature stratégique puisqu’il a trait, indirectement, à la dissuasion nucléaire. La Russie a en effet annoncé cette semaine qu’elle va aider la Chine à développer un « système d’alerte avancée », technologie dont seuls Washington et Moscou disposent depuis les années 1970 et qui permet de détecter et de suivre le tir d’un missile balistique (notamment intercontinental) afin d’avoir le plus de temps possible pour l’intercepter. En pratique, ce système repose à la fois sur des radars particulièrement puissants et sur des satellites d’alerte qui, au moyen de détecteurs infrarouges, peuvent détecter la chaleur dégagée par un missile lors de sa phase propulsée.

    « Nous sommes en train d’aider nos collègues chinois à créer un système d’alerte d’attaque par missile. C’est quelque chose de très sérieux, ce qui va fondamentalement, drastiquement muscler la défense de la République populaire. Parce qu’aujourd’hui, il n’y a que les États-Unis et la Russie qui disposent de ce type de système », a déclaré Vladimir Poutine. S’exprimant lors de la seizième édition du Club Valdaï, à Sochi, le président de la Fédération de Russie n’a pas donné davantage de précisions techniques sur l’objet de cette collaboration.

    En 1972, l’URSS avait signé avec les Etats-Unis un traité bilatéral encadrant très fortement le développement de systèmes d’interception d’engins balistiques. Poussée trop loin, la création d’un bouclier antimissiles peut en effet affaiblir la dissuasion nucléaire si la « destruction mutuelle assurée » n’est plus garantie ou seulement plus ressentie par tous les acteurs. Le Traité ABM offrait le choix aux deux signataires entre deux protections possibles : la protection d’un site de lancement de missiles (solution choisie par les Américains) ; la protection de leur capitale (solution choisie par Moscou).

    En pratique, le Système d’alerte d’attaque de missile (SPRN) russe se compose de radars d’alerte précoce de nouvelle génération dite «Voronezh» (actuellement installés sur huit sites) qui sont en train de remplacer les radars plus anciens «Dnper» (toujours en service) et «Daryal» (retirés du service en 2011). En matière de satellite d’alerte précoce, la Russie disposerait d’au moins deux « Toundras » lancés en 2015 et 2017, nouvelle génération de satellites de cette catégorie chargés de remplacer les anciens «Oko», dont le dernier exemplaire lancé est hors service depuis 2014. 

    Pour l’interception, la Russie possède aujourd’hui un système anti-balistique A-135 qui remplace depuis 1995 l’A-35 mis en service en 1971. Ce système relativement récent, qui fonctionne en tandem avec le système d’alerte avancée, repose sur un radar de gestion de combat « Don-2N » et sur deux types de missiles. Le premier, le 53T6 (ou Gazelle), est un missile à courte portée (80 km) chargé d’intercepter des missiles balistiques une fois que ceux-ci sont rentrés dans l’atmosphère (autrement dit dans la dernière phase de vol). Le second, le 51T6 (ou Gorgon), est un missile à plus longue portée (350 km) capable d’intercepter des missiles balistiques en dehors de l’atmosphère. Particularité : ces deux types de missiles disposent tous les deux de têtes nucléaires… En matière d’ABM russe, le nucléaire arrête en quelque sorte le nucléaire ou, comme il est écrit dans la Bible, « Satan expulse Satan ». Il y a actuellement cinq sites mettant en œuvre un total de 68 53T6 qui assurent la protection de Moscou. Le 51T6, lui, a été retiré du service, mais les Russes travaillent sur un nouveau système, l’A-235 (ou «Samolet-M»).

    Pour les Russes, le maintien de leur capacité de détection avancée et d’interception est une nécessité stratégique alors que les Etats-Unis se sont retirés du traité ABM (désormais caduque) en 2003, qu’ils déploient progressivement leur propre bouclier anti-missiles aussi bien en Europe de l’Est qu’en Asie et que leurs capacités de frappes stratégiques s’améliorent (systèmes de plus en plus sophistiqués de mirvage des missiles intercontinentaux à têtes nucléaires) et se diversifient avec le développement d’une dissuasion également conventionnelle (planeurs hypersoniques et autres engins à très haute vélocité). Les Chinois eux-mêmes sont en pointe en la matière, comme l’a montré le défilé militaire de la semaine dernière pour l’anniversaire des 70 ans de la République populaire de Chine, avec la mise en avant de missiles balistiques à portée intermédiaire (y compris anti-navires, ce qui représente une menace mortelle pour les porte-avions américains) et le dévoilement d’un planeur hypersonique, le DF-17. Il faut maintenant aux Chinois exceller aussi en matière de détection avancée, ce qu’une coopération avec les Russes leur permettra de faire plus rapidement. Déjà, contrairement aux années 1990, en matière d’exportations, Moscou n’hésite plus à livrer en premier à Pékin ses armements les plus sophistiqués : chasseurs Su-35 et systèmes anti-aériens S-400. Jeté dans les bras des Chinois par Washington, Vladimir Poutine pousse désormais son amitié avec Xi Jinping sur des terrains qui ont trait indirectement à la dissuasion nucléaire. La maison commune européenne, qui aurait pu être construite dans les années 1990, a fait long feu. En la matière, aucun système de détection avancée ne permet d’observer de mise à feu sérieuse, sinon le filet de mots prononcés par le président Macron, qui ne permettent pas, à eux seuls, de calculer une trajectoire réellement ambitieuse.

    Alexis Feertchak

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  • La France et la Russie, des pays qui ont tout pour s'entendre ?...

    Vous pouvez ci-dessous découvrir un entretien avec Héléna Perroud, réalisé par Edouard Chanot pour son émission Parade - Riposte, et diffusé le 21 août 2019 sur Sputnik, dans lequel elle évoque les relations entre la France et la Russie et leurs potentialité, après la rencontre entre Vladimir Poutine et Emmanuel Macron au fort de Brégançon. Russophone, ancienne directrice de l'Institut Français de Saint-Petersbourg, Héléna Perroud a publié un essai intitulé Un Russe nommé Poutine (Le Rocher, 2018).

     

                                      

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  • A propos de l'illibéralisme...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Richard Dessens, cueilli sur EuroLibertés et consacré à la question de l'illibéralisme. Docteur en droit et professeur en classes préparatoires, Richard Dessens a notamment publié La démocratie travestie par les mots (L'Æncre, 2010), Henri Rochefort ou la véritable liberté de la presse (Dualpha, 2017) et La démocratie interdite (Dualpha, 2018).

     

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    L’illibéralisme

    L’« illibéralisme » ou la notion de démocratie illibérale est une construction développée dans les années 1990 par le syndicaliste, sociologue et homme « de gauche » financé par le grand capital, Pierre Rosanvallon. Il plongerait ses racines dans le vieux courant de la droite bonapartiste, sans aucune aménité comme on peut le comprendre.

    Il s’agirait d’un mouvement assez large, de fronde anti-système assez confus, plutôt autoritaire, à tendance nationaliste, partisan d’un État fortement centralisé et critique de « l’État-de-droit », formule incertaine censée garantir toutes les libertés individuelles… ou en réalité individualistes, ce qui est très différent dans nos nouvelles sociétés post-modernes.

    La théorisation négative de l’illibéralisme renaît dans les années 2010 lors de l’arrivée de pouvoirs eurosceptiques en Hongrie et en Pologne. En 2014, Viktor Orban s’approprie l’expression pour définir le pouvoir qu’il incarne. L’illibéralisme devient peu à peu la marque des nouveaux régimes ou mouvements montants en Europe, opposés à l’Union européenne actuelle, anti-immigrationnistes, et défenseurs de leurs identités nationales.

    Consciente des dangers de séduction potentielle d’une telle définition des nouvelles « démocraties illibérales », la Grande Presse Officielle va tenter d’imposer le terme de « Populistes », beaucoup plus négatif pour décrédibiliser ces gouvernements ou partis en ascension. D’autres adversaires, universitaires ou intellectuels référents, dénoncent le rejet de l’« État de droit » des illibéraux et les rapprochent des thèses de Poutine sur la « verticale du pouvoir » ou de Carl Schmitt sur la primauté du politique par rapport à l’État de droit et aux droits fondamentaux. D’autres encore tentent de discréditer la formule en l’appliquant à la politique de Trump aux USA… sans grande pertinence sur le fond.

    Pour susciter des échanges encore discrets entre intellectuels, l’illibéralisme n’en est pas moins une réalité politique qui forge ses valeurs dans une Europe en recomposition. L’« illibéralisme » affiche sans conteste son rejet du libéralisme tel qu’il est compris dans les démocraties post-modernes, un libéralisme devenu libertarisme avec le triomphe de l’individualisme et l’effacement de l’État et des attributs de sa souveraineté. Il affirme la reconnaissance de valeurs identitaires évacuées par un libéralisme mondialisé valorisant toutes les mixités.

    Il s’agit donc principalement d’un illibéralisme politique plus qu’économique, ce qu’on pourrait par ailleurs critiquer ou contester sur ses incertitudes de cohérence et son manque de profondeur de réflexion sur ce point.

    Pourtant à son prétendu rejet de l’« État de droit », fondement inviolable des démocraties libérales et gage de ses valeurs, l’illibéralisme lui préfère l’idée d’« État de Justice ». Le droit n’est qu’un principe lorsque la justice est un fait qui concerne les citoyens dans leur vie quotidienne. Qu’est-ce que le droit si la justice n’est plus rendue ?

    Appliquer par exemple le « principe de précaution » à la justice, c’est-à-dire protéger les personnes et les biens avant qu’il n’y soit porté atteinte est probablement contraire à l’« État de droit » qui préfère intervenir après que les délits et les crimes ont été commis, au nom du respect des droits individuels… des voyous, mais contre les droits à la sécurité des honnêtes gens (mais les « honnêtes gens », autrement appelés « victimes », n’existent pas dans un État de droit). Ainsi un État de Justice ne serait simplement qu’un État (d’un autre) droit, mais effectivement protecteur.

    Mais l’État de Justice, c’est aussi garantir la justice sociale, la justice au travail, la justice du sens commun, celle du « bon et du juste » des Anciens qui assure une réelle équité pour un vivre-ensemble réhabilité.

    L’illibéralisme, un nouvel étendard pour demain pour tous ceux qui rêvent d’une démocratie affermie, juste pour les victimes, protectrice des citoyens, fière de son identité culturelle et de ses legs civilisationnels ? Cette démocratie populaire de la justice remplacerait avec bonheur le « populisme » méprisant de ses adversaires acharnés.

    Richard Dessens (EuroLibertés, 19 septembre 2018)

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  • Sus à la Russie !...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Richard Dessens, cueilli sur Eurolibertés et consacré à la nouvelle victoire de Vladimir Poutine aux élections présidentielles en Russie et aux réactions qu'elle a suscitées en Occident.

     

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    Sus à la Russie !

    Le 18 mars, la Russie a réélu Vladimir Poutine pour la quatrième fois, non consécutive, à la Présidence de la Fédération de Russie. Avec plus de 75 % des voix et une participation de près de 70 %.

    Si son élection était prévisible, un faible taux de participation était attendu comme le symbole espéré d’un désaveu. Les commentateurs ont été encore déçus.

    Vladimir Poutine s’adresse à ses partisans à l’extérieur du Kremlin.

    D’ailleurs que n’a-t-on pas entendu de la part de l’ensemble de ces commentateurs français unanimes : candidats « fantoches » d’après le Huffington Post, élections truquées, méthodes « à la soviétique », dictature grossièrement camouflée, tous nos intellectuels, officines de politologues, professeurs à Sciences Po, chercheurs au CNRS, autant d’opinions objectives comme chacun sait, se sont déchaînés sur toutes les ondes radios et les chaînes d’information, BFM en tête. Aucune analyse même un peu différente n’a été exprimée. Liberté d’expression donc.

    D’autant que cette élection s’est déroulée sur le fond de l’affaire de l’empoisonnement au Novitchok, substance mystérieuse, de l’ancien agent russe Serguei Skripal à Londres. Et de nous rappeler qu’il est le quatorzième en dix ans éliminé de manière suspecte à Londres, après entre autres Alexander Litvinenko, un autre transfuge du KGB, empoisonné, lui, au polonium.

    Cette affaire opportune a permis de relancer une nouvelle campagne anti-Poutine. Cet environnement de retour à une guerre froide larvée n’a certainement pas été étranger à la mobilisation des électeurs pro-Poutine, exaspérés par les attaques incessantes de l’Occident contre la Russie. Réflexe national et identitaire somme toute bien compréhensible. Notons que le vote des Russes à l’étranger, et notamment en France, a été encore plus massivement favorable à Poutine. De quoi inquiéter les esprits chagrins !

    Après la Géorgie, la Tchétchénie, la lutte des russophones d’Ukraine, la réintégration de la Crimée dans le giron russe – dont c’était d’ailleurs l’anniversaire le 18 mars – le soutien à la Syrie, la Russie est mise au ban de la bonne conscience démocratique occidentale.

    La Russie lutte contre l’islamisme, tente de retrouver son rôle de nation majeure dans le monde en rééquilibrant les rapports de force jusqu’alors au bénéfice exclusif de l’Occident, autant de positions inadmissibles pour les bonnes consciences. Les mêmes bonnes consciences qui ont mis à feu et à sang l’Irak, la Libye, la Tunisie, fait ou laissé assassiner leurs chefs d’État, relancer la poudrière israélo-palestinienne, pour des raisons bien peu glorieuses et bien peu… démocratiques. Mais, là, en toute impunité. Finalement l’Occident n’a rien à envier à la Russie…

    Quant au mépris du score de Poutine, de « république bananière » a-t-on pu entendre de la part de nos grands intellectuels, Macron a bien été élu avec 66 % des voix face aussi à des candidats « fantoches » ! Quant à la dénonciation des médias russes totalement inféodés à Poutine, non crédibles et diffuseurs de fake news permanentes, on pourrait sourire de parallèles avec la France par exemple et ses médias dont le pluralisme des opinions saute aux yeux et la « compréhension » pour Macron est la ligne de conduite.

    Il n’y a qu’à voir ou écouter l’unanimisme des commentaires sur tous les sujets. Mais rien à voir avec la Russie bien sûr. Chez nous tout est plus « nuancé » dans la forme. Démocratique quoi…

    Alors on évoque les vieux démons de l’URSS, du parapluie bulgare aux empoisonnements d’agents qui ont trahi leur pays. On imagine que les « services » de l’Occident, CIA en tête, n’ont jamais procédé à des éliminations physiques de traîtres, d’opposants ou de transfuges. C’est évidemment impensable dans nos démocraties.

    Tout cela est d’une hypocrisie sans limite mais à la finalité politique et surtout géopolitique bien claire. Alors l’Occident sanctionne avec des accents de moralité indignée.

    Emmanuel Macron a boudé jeudi 15 le pavillon officiel de la Russie, pays invité d’honneur du Salon du livre à Paris. Sanction symbolique infantile. De minimis non curat praetor semble sourire Poutine.

    Les États-Unis ont annoncé ce même jeudi 15 mars une série de sanctions contre la Russie mais en réponse à l’ingérence de Moscou dans l’élection présidentielle américaine de 2016 et plusieurs cyberattaques. Comme par hasard. On évoque d’autres sanctions financières. Mais dimanche 18, Trump et Poutine échangent par téléphone pendant 45 minutes. Pour dire quoi ? Va-t-on vers un nouvel équilibre mondial, une redistribution du jeu international, avec une Chine de plus en plus conquérante, exigeante et inquiétante ?

    Le Kremlin annonce préparer « des mesures de représailles » proportionnelles. Quoi de plus normal dans un contexte d’agressions permanentes contre sa politique qui décidément dérange le monopole européo-américain. Mais Trump, entre rodomontades anti-Poutine et discussions discrètes parallèles, a-t-il autre chose en tête ?… À suivre.

    Et dans cela, quid de notre « Union » européenne ? Une sorte de silence attentiste et relativement prudent finalement de la part des États qui tranche avec les cocoricos de l’UE et les déchaînements agités de Theresa May. Les relations Russie (ou Union soviétique) Grande Bretagne ont toujours été sulfureuses et Londres le champ des règlements de compte entre agents secrets et de toutes les trahisons dans les deux sens (souvenons-nous des affaires Burgess, Mac Lean, Philby, Fuchs aux USA et combien d’autres moins connues…). Rappelons enfin plus récemment l’affaire Snowden, réfugié à Moscou et dans la ligne de mire de la CIA. Mais là, c’est normal. C’est démocratique…

    Richard Dessens (Eurolibertés, 26 mars 2018)

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  • De meilleures armes pour une planète plus sûre ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Dimitry Orlov cueilli sur le site Le Saker Francophone et consacré aux nouvelles armes russes présentées par Vladimir Poutine à l'occasion d'une récente allocution et à leur influence sur l'équilibre géopolitique de la planète. De nationalité américaine mais d'origine russe, ingénieur, Dimitry Orlov, qui a centré sa réflexion sur les causes du déclin ou de l'effondrement des civilisations, est l'auteur d'un essai traduit en français et intitulé Les cinq stades de l'effondrement (Le Retour aux sources, 2016).

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    De meilleures armes pour une planète plus sûre

    Beaucoup de gens semblent avoir perdu le fil quand il s’agit d’armes nucléaires. Ils pensent que les armes nucléaires sont comme les autres armes et sont conçues pour être utilisées en temps de guerre. Mais c’est une pure inertie mentale. Selon toutes les preuves disponibles, les armes nucléaires sont des armes anti-armes, conçues pour empêcher l’utilisation d’armes, nucléaires ou pas. Par essence, si elles sont utilisées correctement, les armes nucléaires sont des dispositifs de suppression de la guerre. Bien sûr, si elles sont mal utilisées, elles représentent un risque grave pour toute vie sur Terre. Il y a aussi d’autres risques pour toute la vie sur Terre, tel que le réchauffement planétaire incontrôlé causé par la consommation incontrôlée des hydrocarbures ; peut-être devons-nous inventer une ou deux armes pour empêcher cela aussi.

    Certaines personnes estiment que la simple existence d’armes nucléaires garantit qu’elles seront utilisées quand différents pays dotés d’armes nucléaires se retrouveront financièrement, économiquement et politiquement in extremis. Pour en « faire la demonstration » ils mettent en évidence le principe dramaturgique de l’arme de Tchekhov. Anton Tchekhov a écrit : « Если вы говорите в первой главе, что на стене висит ружье, во второй или третьей главе оно должно непременно выстрелить. А если не будет стрелять, не должно и висеть » [« Si vous dites à l’acte I qu’il y a un pistolet accroché au mur, alors il faut obligatoirement qu’à l’acte II ou III, il fasse feu. Sinon, il ne devrait pas être suspendu là. »].

    Et si vous faites remarquer que nous parlons de stratégie militaire et de géopolitique, pas de théâtre, on peut citer ensuite Shakespeare : « Le monde est une scène et tous les hommes et les femmes ne sont que des acteurs ; ils font leurs sorties et leurs entrées… » et croire que c’est quod erat demonstrandum. Maintenant, je suis tout à fait d’accord avec Tchekhov en matière de dramaturgie, et je suis aussi d’accord avec Shakespeare, à condition de définir « le monde » comme « le monde du théâtre » dans lequel les deux mondes de la géopolitique et de la physique nucléaire sont dramatiquement différents.

    Laissez-moi l’expliquer en des termes qu’un bon dramaturge comprendrait. S’il y a une bombe nucléaire accrochée au mur dans l’acte I, il y a de fortes chances qu’elle soit encore accrochée à ce mur lors du dernier baisser de rideau. En attendant, peu importe combien d’autres armes sont présentes sur scène pendant le jeu, vous pouvez être sûr qu’aucune d’entre elles ne sera utilisée. Ou peut-être qu’elles le seront, mais alors tout le public sera mort, auquel cas vous devriez certainement demander à être remboursé parce que la pièce a été présentée comme un spectacle familial.

    Dans le monde réel, il est difficile de prétendre que les armes nucléaires n’ont pas été utiles comme moyen de dissuasion contre la guerre conventionnelle et nucléaire. Quand les Américains ont largué des bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki, ils ne l’ont fait que parce qu’ils pouvaient le faire en toute impunité. Si le Japon, ou un allié du Japon, avait possédé des armes nucléaires à l’époque, ces attaques n’auraient pas eu lieu. Il existe un nombre considérable d’opinions selon lesquelles les Américains n’ont pas atomisé le Japon pour obtenir une victoire (les Japonais se seraient rendus), mais pour envoyer un message à Joseph Staline. Staline a reçu le message, et les scientifiques et les ingénieurs soviétiques ont ont mis l’affaire en train.

    Il y a d’abord eu une période inconfortable, avant que l’URSS teste avec succès sa première bombe atomique, alors que les Américains envisageaient sérieusement de détruire toutes les grandes villes soviétiques en utilisant des frappes nucléaires. Mais ils ont mis ces plans de côté parce qu’ils ont calculé qu’ils n’avaient pas assez d’armes nucléaires à l’époque pour empêcher l’Armée rouge de conquérir toute l’Europe occidentale en représailles. Mais le 29 août 1949, lorsque l’URSS a testé sa première bombe atomique, ces plans ont été mis de côté – pas tout à fait de façon permanente, on en reparle plus bas – parce qu’une seule explosion nucléaire résultant d’une réaction soviétique à une première frappe américaine, aurait effacé, disons, New York ou Washington. Cela aurait été un prix trop élevé à payer pour détruire la Russie.

    Depuis lors – à l’exception d’une période comprise entre 2002 et il y a deux jours – la capacité des armes nucléaires à décourager une agression militaire est restée incontestée. Il y a eu quelques défis en cours de route, mais ils ont été traités. Les Américains ont jugé bon de menacer l’URSS en plaçant des missiles nucléaires en Turquie. En réponse, l’URSS a placé des missiles nucléaires à Cuba. Les Américains ont pensé que ce n’était pas juste, ce qui a provoqué la crise des missiles de Cuba. Finalement, les Américains ont été contraints de se retirer de Turquie, et les Soviétiques ont reculé à Cuba. Une autre menace pour le pouvoir de dissuasion des armes nucléaires a été le développement d’armes anti-balistiques capables d’abattre des missiles à tête nucléaire (en fait seulement les missiles balistiques, on en reparle plus tard). Mais cela a été largement reconnu comme une mauvaise chose, et une percée majeure a eu lieu en 1972, lorsque les États-Unis et l’URSS ont signé le Traité sur les missiles anti-balistiques.

    Pendant toute cette période, le principe qui maintenait la paix était la Destruction Mutuelle Assurée : aucune des deux parties ne devait provoquer l’autre au point de lancer une frappe nucléaire, car une telle action était garantie comme suicidaire. Les deux parties en ont été réduites à mener une série de guerres par procuration dans divers pays du monde, au détriment notable de ces pays, mais il n’y avait aucun risque que ces conflits indirects éclatent en une conflagration nucléaire à grande échelle.

    Entre-temps, tout le monde a tenté de s’opposer à la prolifération nucléaire, empêchant un plus grand nombre de pays d’accéder à la technologie des armes nucléaires – avec un succès limité. Les cas où ces efforts ont échoué témoignent de la valeur dissuasive efficace des armes nucléaires. Saddam Hussein, en Irak, n’avait aucune « arme de destruction massive » et a fini par être pendu. Mouammar Kadhafi de Libye a renoncé volontairement à son programme nucléaire et a été torturé à mort.

    Mais le Pakistan a réussi à acquérir des armes nucléaires, et par conséquent ses relations avec son ennemi juré traditionnel sont devenues beaucoup plus polies et coopératives, au point qu’en juin 2017, tous deux sont devenus membres à part entière de l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS) avec la Chine, la Russie et d’autres nations eurasiennes. Et puis la Corée du Nord a fait quelques percées en matière de bombes nucléaires et de missiles balistiques. Les États-Unis en ont été réduits à des menaces futiles et des postures guerrières alors que la Corée du Sud a exprimé un nouveau respect pour son voisin du nord. Les deux cherchent maintenant à se rapprocher.

    En 2002, la perspective d’une dissuasion nucléaire en continu a subi un revers majeur lorsque les États-Unis se sont retirés du traité ABM. La Russie a protesté contre cette décision et a promis une réponse asymétrique. Les responsables américains ont ignoré cette protestation, pensant à tort que la Russie était finie en tant que puissance nucléaire. Depuis lors, les Américains ont dépensé des sommes d’argent prodigieuses – des milliers de milliards de dollars – en construisant un système de défense anti-missiles balistiques. Leur objectif était simple : permettre de lancer une première frappe contre la Russie, en détruisant une grande partie de son arsenal nucléaire ; ensuite, utiliser les nouveaux systèmes ABM américains pour détruire tout ce que la Russie parviendrait encore à lancer en réponse. Le 2 février 2018, les Américains ont décidé qu’ils étaient prêts et ont publié un réexamen de leur posture nucléaire dans lequel ils se sont expressément réservé le droit d’utiliser des armes nucléaires pour empêcher la Russie d’utiliser sa force de dissuasion nucléaire.

    Et puis, il y a deux jours, tout s’est bien terminé lorsque Vladimir Poutine a prononcé un discours dans lequel il a dévoilé plusieurs nouveaux systèmes d’armes qui annihilent complètement la valeur du bouclier antimissile américain, entre autres choses. C’est la réponse que les Russes avait promis de livrer lorsque les États-Unis se sont retirés du traité ABM en 2002. Maintenant, 16 ans plus tard, le processus s’est terminé. La Russie s’est réarmée avec de nouvelles armes qui ont rendu le traité ABM complètement hors de propos.

    Le traité ABM portait sur les missiles balistiques, ceux propulsés par des roquettes qui font accélérer le missile à une vitesse  proche de la vitesse d’évasion. Après cela, le missile suit une trajectoire balistique – comme un obus d’artillerie ou une balle. Cela rend son chemin facile à calculer et le missile facile à intercepter. Les systèmes de défense antimissile américains reposent sur la capacité de voir le missile sur un radar, calculer sa position, sa direction et sa vitesse, et lancer un missile en réponse de telle sorte que les deux trajectoires se croisent. Au point de rencontre, le missile intercepteur est activé, détruisant le missile attaquant.

    Aucune des nouvelles armes russes ne suit des trajectoires balistiques. Le nouveau Sarmat est un ICBM sans le « B ». Il manœuvre tout au long de sa trajectoire et peut voler dans l’atmosphère plutôt que surgir au-dessus d’elle. Il a une courte phase de mise à feu, ce qui rend difficile son interception après le lancement. Il a la possibilité de parcourir des chemins arbitraires autour de la planète, par exemple par le pôle sud, pour atteindre n’importe quel point de la Terre. Et il transporte de multiples véhicules de rentrée hypersoniques manœuvrables dotés d’armes nucléaires qu’aucun système de défense antimissile existant ou prévu ne peut intercepter.

    Parmi les nouvelles armes dévoilées il y a deux jours, on a un missile de croisière à propulsion nucléaire d’une portée pratiquement illimitée et qui dépasse les Mach 10, et un drone sous-marin à propulsion nucléaire qui peut descendre à des profondeurs beaucoup plus grandes que n’importe quel sous-marin existant et se déplacer plus vite qu’aucun navire existant. Il y avait également un canon laser mobile présenté lors du show, dont on sait très peu de choses, mais qui est susceptible d’être utile quand il s’agira de faire frire des satellites militaires. Tout cela repose sur des principes physiques qui n’ont jamais été utilisés auparavant. Tous ont passé les tests et sont en cours de production ; l’un d’entre eux est déjà utilisé en service de combat actif dans les forces armées russes.

    Les Russes sont maintenant fiers de leurs scientifiques, ingénieurs et soldats. Leur pays est à nouveau en sécurité. Les Américains ont été arrêtés en chemin et leur nouvelle posture nucléaire ressemble maintenant à un cas sévère de lordose. Ce genre de fierté est plus important qu’il n’y paraît. Les systèmes d’armes nucléaires avancés ressemblent un peu aux caractéristiques sexuelles secondaires des animaux : comme la queue du paon ou les bois du cerf ou la crinière du lion, ils témoignent de la santé et de la vigueur d’un spécimen qui a suffisamment d’énergie à dépenser pour des accessoires bien visibles.

    Pour être en mesure d’exploiter un missile de croisière nucléaire hypersonique à portée illimitée, un pays doit disposer d’une communauté scientifique saine, de nombreux ingénieurs bien formés, d’une armée professionnelle hautement qualifiée et d’un establishment de sécurité compétent capable de garder l’ensemble secret, avec une économie industrielle puissante et assez diversifiée pour fournir tous les matériaux, processus et composants nécessaires sans avoir recours aux importations. Maintenant que la course aux armements est terminée, cette nouvelle confiance et compétence peut être transformée à des fins civiles.

    Jusqu’à présent, la réaction occidentale au discours de Poutine a suivi de près l’illogisme des rêves que Sigmund Freud a expliqué en utilisant la blague suivante :

    1. Je n’ai jamais emprunté de bouilloire
    2. Je vous l’ai retourné intacte
    3. Elle était déjà cassée quand je vous l’ai empruntée.

    Un exemple plus commun est l’excuse d’un enfant pour ne pas avoir fait ses devoirs : je l’ai perdu ; mon chien l’a mangé ; je ne savais pas que je devais le faire.

    Dans ce cas, les commentateurs occidentaux nous ont proposé ce qui suit :

    1. Il n’y a pas de telles armes ; Poutine bluffe
    2. Ces armes existent mais elles ne fonctionnent pas vraiment
    3. Ces armes fonctionnent et c’est le début d’une nouvelle course aux armements nucléaires

    Prenons ces arguments un par un :

    1. Poutine n’est pas connu pour bluffer ; il est connu pour faire exactement ce qu’il dit qu’il va faire. Il a annoncé que la Russie apporterait une réponse asymétrique aux États-Unis qui se retiraient du traité ABM ; et maintenant c’est le cas.
    2. Ces armes sont une continuation des développements qui existaient déjà en URSS il y a 30 ans mais qui ont été mis en sommeil jusqu’en 2002. Ce qui a changé depuis lors, c’est le développement de nouveaux matériaux qui permettent de construire des véhicules volant au-dessus de Mach 10, avec leur surface chauffant jusqu’à 2000ºC, et, bien sûr, des améliorations spectaculaires dans le domaine de la microélectronique, des communications et de l’intelligence artificielle. La déclaration de Poutine selon laquelle les nouveaux systèmes d’armes entrent en production est un ordre : ils vont donc entrer en production.
    3. Une grande partie du discours de Poutine ne portait pas sur des questions militaires. Il s’agissait d’augmentations salariales, de routes, d’hôpitaux et de cliniques, de jardins d’enfants, de maternités, de coups de pouce aux retraités, de logements pour les jeunes familles, de rationalisation de la réglementation des petites entreprises, etc. : améliorer considérablement le niveau de vie de la population. Le problème militaire a déjà été résolu, la course aux armements a été gagnée et le budget de la défense de la Russie est réduit et non augmenté.

    Une autre idée en Occident était que Poutine a dévoilé ces nouvelles armes, qui sont en développement depuis 16 ans au moins, dans le cadre de sa campagne de réélection (le vote est le 18 mars). C’est absurde. Poutine est assuré de la victoire parce que la grande majorité des Russes approuve son leadership. Les élections ne sont l’objet d’un combat que pour prendre la deuxième place entre les libéraux démocrates, menés par l’ancien cheval de guerre Vladimir Jirinovski, et les communistes, qui ont nommé un homme d’affaires oligarque non communiste, Pavel Groudinine, qui s’est rapidement disqualifié en ne dévoilant pas ses comptes bancaires à l’étranger et autres irrégularités et semble maintenant être entré dans la clandestinité. Ainsi, les communistes, qui étaient auparavant prévus pour la deuxième place, se sont brûlés les ailes et Jirinovski arrivera probablement en deuxième position. Si les Américains n’aiment déjà pas Poutine, ils aimeraient encore moins Jirinovski. Poutine a une attitude pragmatique et ambivalente à propos des « partenaires occidentaux » comme il aime à les appeler. Jirinovski, d’un autre côté, est plutôt habité d’un sentiment de revanche et semble vouloir infliger des souffrances à ces mêmes « partenaires occidentaux ».

    En même temps, il y a maintenant un comité, composé d’hommes et de femmes très sérieux, qui sont chargés de surveiller et contrecarrer l’ingérence américaine dans la politique russe. Il semble peu probable que la CIA, le Département d’État américain et les coupables habituels puissent avoir une quelconque efficacité en Russie. L’ère des révolutions colorées est terminée, et le train du changement de régime a vécu… alors qu’il rentre péniblement à Washington, où Trump a une chance d’être détrôné à l’ukrainienne.

    Une autre façon de voir la réaction occidentale aux nouvelles armes de la Russie est d’utiliser les 5 étapes du deuil d’Elizabeth Kübler-Ross. Nous avons déjà vu le déni (Poutine bluffe, les armes ne fonctionnent pas) et le début de la colère (nouvelle course aux armements). Nous devrions nous attendre à un peu plus de colère avant de passer à la négociation (vous pouvez avoir l’Ukraine si vous arrêtez de construire les missiles Sarmat). Une fois que la réponse russe sera bien perçue (« Tu as cassé l’Ukraine, tu paies pour la réparer ») nous passerons à la dépression (« Les Russes ne nous aiment plus ! »). Et finalement, l’acceptation. Une fois le stade de l’acceptation atteint, voici ce que les Américains peuvent utilement faire en réponse aux nouveaux systèmes d’armement de la Russie.

    Tout d’abord, les Américains peuvent mettre au rebut leurs systèmes ABM parce qu’ils sont maintenant inutiles. Le ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgou, a dit ceci : « То, что сегодня создаётся в Польше и Румынии, создаётся на Аляске и предполагается к созданию в Южной Корее и Японии — этот ‘зонтик’ противоракетной обороны, получается, ‘дырявый’. И не знаю, зачем за такие деньги теперь этот ‘зонтик’ им приобретать. » [« Ce qui est construit en Pologne et en Roumanie, et en Alaska, et qui est prévu en Corée du Sud et au Japon – ce ‘parapluie’ de défense antimissile – s’avère criblé de trous. Je ne sais pas pourquoi ils devraient maintenant payer aussi cher pour ce ‘parapluie’. »].

    Deuxièmement, les Américains peuvent laisser tomber leur flotte de porte-avions. Cela ne sert pour le moment qu’à menacer des nations sans défense, mais il existe des moyens beaucoup moins coûteux de menacer les nations sans défense. Si les Américains envisagent de les utiliser pour dominer les voies maritimes et contrôler le commerce mondial, alors l’existence de missiles de croisière hypersoniques et de sous-marins à portée illimitée qui peuvent se cacher à de grandes profondeurs pendant des années rendra les océans inaccessibles pour les groupes de combat de la marine américaine en cas d’escalade majeure (non nucléaire) parce que maintenant la Russie peut les détruire à distance sans mettre en danger aucun de ses biens ou de son personnel.

    Enfin, les Américains peuvent se retirer de l’OTAN, qui s’est révélée complètement inutile, démanteler leurs 1000 bases militaires dans le monde et rapatrier les troupes qui y sont stationnées. Ce n’est pas comme si, à la lumière de ces nouveaux développements, les garanties de sécurité américaines valaient encore grand chose aux yeux du monde, et les « alliés » américains s’en rendront compte rapidement. En ce qui concerne les garanties de sécurité russes, il y a beaucoup à offrir : contrairement aux États-Unis, qui sont de plus en plus considérés comme des voyous, inefficaces et maladroits, la Russie a scrupuleusement respecté ses accords internationaux et le droit international. En développant et en déployant ses nouveaux systèmes d’armes, la Russie n’a violé aucun accord, traité ou loi international. Et la Russie n’a aucun plan agressif envers qui que ce soit, sauf les terroristes. Comme l’a dit Poutine lors de son discours, « Мы ни на кого не собираемся нападать и что-то отнимать. У нас у самих всё есть. » [« Nous ne prévoyons pas d’attaquer qui que ce soit ni de prendre le contrôle d’un quelconque pays. Nous avons tout ce dont nous avons besoin. »].

    J’espère que les États-Unis ne prévoient pas d’attaquer qui que ce soit, parce que, vu leur histoire récente, cela ne fonctionnera pas. Menacer la planète entière et la forcer à utiliser le dollar américain dans le commerce international (et détruire des pays comme l’Irak et la Libye, quand ils refusent) ; assumer d’énormes déficits commerciaux avec pratiquement le monde entier en forçant les banques de réserve du monde entier à racheter la dette du gouvernement américain ; tirer parti de cette dette pour accumuler des déficits budgétaires colossaux (maintenant environ 1000 milliards de dollars par an) ; et voler la planète entière en imprimant de l’argent et en le dépensant dans divers scénarios de corruption – cela, mes amis, a été le business plan de l’Amérique depuis les années 1970 environ. Et il se défait devant nos yeux.

    J’ai l’audace d’espérer que le démantèlement de l’Empire américain se fera aussi efficacement que le démantèlement de l’Empire soviétique. (Cela ne veut pas dire qu’il ne sera pas humiliant ou qu’il ne va pas appauvrir l’Amérique, ou qu’il ne s’accompagnera pas d’une augmentation considérable de la morbidité et de la mortalité). Une de mes plus grandes craintes au cours de la dernière décennie était que la Russie ne prendrait pas les États-Unis et l’OTAN assez au sérieux en essayant juste d’attendre qu’ils changent. Après tout, qu’y a-t-il vraiment à craindre d’une nation qui a plus de 100 milliards de dollars de prestations non financées, des toxicomanes opioïdes, 100 millions de chômeurs sans emploi, des infrastructures vétustes et une politiques nationale délétère ? Et en ce qui concerne l’OTAN, il y a, bien sûr, l’Allemagne, qui est en train de réécrire « Deutschland, Deutschland, über alles » pour être « gender-neutral ». Que sont-ils censés faire ensuite ? Marcher sur Moscou sous une bannière arc-en-ciel et espérer que les Russes meurent de rire ? Oh, et il y a aussi le plus grand atout eurasien de l’OTAN, la Turquie, qui est actuellement en train de liquider les actifs kurdes de l’Amérique dans le nord de la Syrie.

    Mais simplement attendre aurait été un pari, parce que dans son agonie l’Empire américain aurait pu s’en prendre à la Russie par des moyens imprévisibles. Je suis heureux que la Russie ait choisi de ne pas jouer avec sa sécurité nationale. Maintenant que les États-Unis ont été neutralisés en toute sécurité en utilisant les nouveaux systèmes d’armes russes, je pense que le monde est un bien meilleur endroit. Si vous aimez la paix, il semblerait que votre meilleure option soit aussi d’aimer les armes nucléaires, les meilleures possibles, contre lesquelles aucune dissuasion n’existe, et maniées par des nations paisibles et respectueuses de la loi qui n’ont aucun dessein maléfique pour le reste de la planète.

    Dmitry Orlov (Le Saker Francophone, 6 mars 2018)

     

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  • Géopolitique de la Russie...

    Hérodote, la revue de géographie et de géopolitique, dirigée par Béatrice Giblin, qui a succédé à Yves Lacoste, vient de publier un nouveau numéro consacré à la géopolitique de la Russie.

     

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    " La date de parution de ce numéro, octobre 2017, ne doit bien sûr rien au hasard, cent ans après la révolution d’Octobre. Pour la première fois dans l’histoire, un empire disparaissait car son centre, la Russie, décidait de faire sécession. Après la fin des années Eltsine qui laisse la Russie dans une situation géopolitique interne chaotique et très affaiblie sur le plan international, Vladimir Poutine a décidé de remettre la Russie en ordre et de lui redonner son rang international. Cette politique offensive assortie d’une incontestable atteinte aux libertés publiques inquiète les Occidentaux.
    En 2017, quels sont les problèmes géopolitiques que pose la Russie au monde ? Les commentateurs sont nombreux à dire qu’avec l’intervention russe en Syrie, ce grand pays a retrouvé la place qui est historiquement la sienne parmi les grands pays avec lesquels il faut compter ; quels sont ceux posés à son étranger proche, en particulier à l’Ukraine et enfin à elle-même ? C’est à ces questions compliquées que ce numéro double tente partiellement de répondre. "

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